Conférence du 23 septembre 2025

Salle EUGENE HENAFF – A – 459, 29 Boulevard du Temple, 75003 Paris

« Les Langues créoles : langues d’avenir ? »

Les intervenants

Alexia de Saint John’s

Créatrice du concept Kreyollywood, Alexia de Saint John’s travaille à l’intersection du cinéma, des langues créoles et de l’innovation pédagogique. Elle a fondé et dirige le Kreyol International Film Festival (KIFF), plateforme de référence pour les créations cinématographiques en langues créoles. Elle travaille activement à la promotion d’une esthétique cinématographique authentiquement créole, caractérisée par le « réel magique ».
Sa contribution à la revitalisation linguistique s’illustre également par la conception des ateliers Bokantaj (Conversation), méthodologie originale d’apprentissage conversationnel des langues créoles basée sur sur une double approche artistique et pédagogique

Max Belaise

Max Belaise est enseignant-chercheur en Langue et Culture Régionales à la Faculté Jean Bernabé de l’Université des Antilles. Son travail se concentre sur la valorisation et la préservation des langues créoles

Il est également Doyen de la Faculté Jean Bernabé.

résumé


Production de néologismes créoles en contexte moderne ?

Toute langue évolue de différentes manières : par des créations lexicales, par des emprunts, par une
réappropriation de termes anciens. La création de mots nouveaux se pose en ce qui concerne les créoles des Antilles Françaises.

.De plus en plus, les locuteurs des deux territoires que sont la Martinique et la Guadeloupe se contentent de « créoliser » le lexique français.

À croire que la créativité langagière, qui est une caractéristique de ces créoles, n’a plus cours. Les nombreuses métaphores qui sont issues de l’habitation sont l’apanage de ces hommes et femmes qui ont été asservis et qui ont forgé la langue dans leur volonté de résilience.

Comment procéder, dès lors, face à un langage de plus en plus technique et scientifique ? Quelles préconisations pour fabriquer les outils langagiers dont on a besoin dans tous les domaines ?

Des emprunts se font régulièrement et passent dans ces créoles. Mais également des créations (travaux de H. Poullet et J. Duranty).
C’est donc qu’il est possible de produire des mo-nèf qui relèvent d’un imaginaire de ces sociétés.

#Néologiecréole #modernité #créativité

Nadia VINGADESSIN

Nadia VINGADESSIN, native de l’île de La Réunion, est Docteure en sociolinguistique et rattachée au laboratoire Celtic-Blm de Rennes 2. Elle enseigne la langue étrangère anglaise dans différents types d’établissements scolaires, du second degré à l’université, depuis une trentaine d’années. Son expertise est en lien avec l’enseignement en milieu créolophone réunionnais notamment celui de la langue étrangère et englobe le plurilinguisme, la diglossie, la glottophobie, la langue créole régionale.

résumé

Le créole au service des autres langues à l’école réunionnaise

Longtemps dénigré, critiqué, le créole réunionnais a dépassé les frontières des habitations familiales pour s’intégrer progressivement dans la sphère scolaire. Malheureusement encore limité aux zones d’éducation prioritaire, il n’est pas automatiquement pris en compte dans l’enseignement alors que le français demeure la langue officielle et de surcroît de prestige, creusant davantage le fossé entre les apprenants d’origine francophone (L1) et les apprenants créolophones (L1), même si la plupart s’expriment désormais dans un français assez proche de la langue institutionnelle.

Dans ce contexte à tendance diglossique, la langue créole réunionnaise pourrait être utilisée comme un outil pédagogique majeur, intra-muros scolaires, lorsque des savoirs ou savoir-faire peinent à être compris ou acquis. Le créole serait alors un véritable outil de communication en faveur d’une pédagogie intégrée dans un environnement sociolinguistique où il est majoritairement pratiqué. Ce système éducatif réunionnais plus adapté au contexte régional serait également plus propice à l’apprentissage-enseignement précoce des langues étrangères.

L’École se doit d’accompagner, d’encadrer nos jeunes apprenants vers un bilinguisme accepté, respecté, au sein de ses murs et dans ses pratiques, alors que les investigations montrent encore trop souvent une langue créole perçue par les enseignants comme un obstacle aux acquisitions. Les récentes dispositions, notamment l’enseignement du français en milieu créolophone dans de rares établissements, le plan d’action pour le développement de la langue et de la culture régionales, le projet stratégique académique, l’enseignement de soutien à ceux qui en ont besoin sont loin d’apporter les résultats escomptés.

En effet, si l’usage et la compréhension du français deviennent courants, il n’en demeure pas moins que le taux d’illettrisme à La Réunion reste alarmant et les difficultés scolaires liées à la langue française persistent. Les jeunes concernés semblent être davantage stigmatisés et la diglossie fortement ancrée entraîne avec elle, la glottophobie.

Face à ce malheureux constat, il est urgent aujourd’hui de revoir la panacée de demi-mesures, de faire de la littératie, véritable enjeu socio-économique, notre cheval de bataille à La Réunion et d’instaurer un aménagement linguistique scolaire global et non sporadique et localisé, en faveur des créolophones. Une rénovation pédagogique profitable passerait par exemple par la valorisation d’une sociodidactique des langues centrée sur une approche contextualisée, par la révision des systèmes d’évaluation de certaines compétences en langues étrangères lorsque celles-ci sont validées par une production écrite en langue française, par la formation de l’ensemble des enseignants à la langue créole comme élément intrinsèque à l’exercice de leur fonction au sein de l’académie de La Réunion… pour assurer la réussite de tous les apprenants français quels qu’ils soient.

#aménagement #glottophobie #littératie #pédagogie #réussite

Helene Zamor

Helene Zamor est actuellement Maître de conférences en français à l’Université des West Indies (Campus de Cave Hill, Barbados). Titulaire d’un doctorat en linguistique, elle se spécialise dans les langues créoles, la culture et l’identité des Caraïbes françaises et de l’Océan Indien.

Résumé

Langues vernaculaires de la Caraïbe: le Bajan de la Barbade

La région des Caraïbes est bien connue pour sa diversité culturelle.. Pendant la période de colonisation, une pléthore de genres musicaux, de danses, de religions et de traditions se sont développés à partir de l’interaction entre Africains et Européens.

Après l’esclavage, certains territoires comme la Guyane, le Surinam et Trinité-et-Tobago, ont accueilli de nombreux travailleurs engagés en provenance de Chine et d’Inde. Les créoles et les dialectes ont pris naissance dans les plantations. Ce sont les produits directs des langues européennes et africaines.

Située au sud-est de la mer des Caraïbes, la Barbade a été colonisée par les Britanniques, vers 1627, et est devenue indépendante le 30 novembre 1966. La langue officielle de cette île est l’anglais. Cependant, le dialecte barbadien est utilisé dans des contextes informels. La plupart des Barbadiens interagissent entre eux en anglais mais aussi en Bajan.

Cet article se compose de trois sections. La première section donne un récit historique concis du dialecte barbadien communément appelé « Bajan ». La deuxième section se concentre essentiellement sur les aspects syntaxiques et phonétiques du Bajan. La troisième section se concentre sur l’utilisation du Bajan dans les médias et dans d’autres domaines, notamment la culture, la littérature et autres.

Malgré les recueils de proverbes et d’expressions Bajan qui ont été écrits par certains linguistes, nous remarquons que des livres de grammaire et d’orthographe du Bajan sont presque inexistants. C’est un fossé que doit combler les linguistes barbadiens.

La recherche s’appuie sur diverses sources telles que des articles, des extraits de journaux et des interviews.

#Barbade #Bajan #dialecte #créole #grammaire #syntaxe #phonétique

Priscille Ahtoy

Docteure en Sciences du langage (Sociolinguistique et Didactique des Langues), membre du laboratoire DYNAmiques et enjeux de la DIVersité (EA 4428 DYNADIV) de l’université de Tours et chercheure associée au Laboratoire Anthropologie, Archéologie et Biologie, (UR 20202 LAAB) de l’Université Versailles Saint-Quentin- Paris Saclay, les travaux de recherche de Priscille Ahtoy portent sur la diversité linguistique et culturelle, l’équité, la réflexivité, l’interculturalité, l’approche biographique, les pluralités francophones-île Maurice/océan indien, les rapports de pouvoir et de domination, les langues minorées, l’altérité, la formation des enseignants, l’ingénierie pédagogique, les discriminations (linguistiques et culturelles) et leurs impacts sur la santé mentale

Résumé

Le créole mauricien en mutation : enjeux sociolinguistiques et didactiques à l’heure du numérique, pour une langue tournée vers l’avenir.

Cette communication examine les transformations contemporaines du créole mauricien à travers le prisme des mutations sociales, migratoires et technologiques, tout en explorant les implications pour la formation des enseignants et l’enseignement-apprentissage de cette langue. Notre analyse, située à l’intersection de la sociolinguistique et de la didactique des langues, s’articule autour de trois axes majeurs qui façonnent l’évolution et la transmission du créole mauricien.

Dans un premier temps, nous analyserons l’évolution des pratiques linguistiques en nous appuyant sur des données en ligne (notamment les réseaux sociaux) et des interactions lors d’observations participantes, mettant en lumière les nouveaux contextes d’usage du créole mauricien, notamment dans les espaces éducatifs, professionnels et institutionnels traditionnellement dominés par l’anglais et le français.

Nous explorerons le rôle des réseaux sociaux dans la modernisation et la diffusion du créole mauricien, ainsi que leur potentiel pour l’enseignement-apprentissage. Cette analyse révèle une dynamique de revalorisation du créole, portée par une jeune génération qui revendique son identité linguistique.

Le deuxième axe abordera l’impact des flux migratoires récents sur la vitalité et la variation du créole mauricien. Nous examinerons particulièrement les phénomènes de contact linguistique avec les communautés diasporiques et leurs implications pour l’enseignement du créole en contexte multiculturel.

Le troisième axe se concentrera sur les enjeux de la formation des enseignants et de la didactique du créole mauricien. Nous présenterons un état des lieux des dispositifs de formation actuels et analyserons les besoins émergents en matière de compétences pédagogiques. Une attention particulière sera portée aux approches innovantes intégrant les variations sociolinguistiques dans l’enseignement et aux stratégies permettant de valoriser le créole comme langue d’enseignement à part entière.

Cette recherche s’appuie sur un corpus diversifié incluant des entretiens avec des enseignants et des apprenants et une analyse des interactions en ligne. Notre méthodologie combine approche ethnographique, analyse du discours numérique et étude des pratiques didactiques.

Les résultats préliminaires suggèrent une revitalisation significative du créole mauricien dans le système éducatif, accompagnée d’une nécessaire évolution des pratiques pédagogiques. Cette étude contribue ainsi à la réflexion sur l’avenir des langues créoles dans un monde globalisé et numérisé, tout en proposant des pistes concrètes pour leur enseignement et leur transmission.

#créolemauricien #sociolinguistique #évolutiondespratiqueslinguistiques #réseauxsociaux #migrations

Renauld Govain

Renauld Govain est Docteur en linguistique (en 2009). Habilité a diriger des recherches. Enseignant-chercheur en linguistique à la Faculté de Linguistique Appliquée de l’Université d’état d’Haïti (en 2024). Disciplines liées à ses interventions : Sociologie des cultures, Linguistique, Sciences politiques

Résume

Créoles et intercompréhension linguistique au service d’une Caraïbe plus intégrée

La Caraïbe, caractérisée par un multilinguisme et une expérience multiculturelle, est la région du monde où se trouve concentré le plus grand nombre de créoles. On y rencontre, en effet, des langues indoeuropéennes de groupes roman : le français, l’espagnol et même le portugais si nous considérons le Surinam comme membre de la (grande) Caraïbe créolophone ; germanique : anglais, néerlandais ; et des créoles de souche lexicale française, anglaise et, à certains égards, hollandaise considérant le papiamento pratiqué à Curaçao, Aruba et Bonaire.

Les créoles (et des langues indigènes de la Guyane par exemple comme l’arawak ou le lokono, émerillon ou teko, le kali’na, le palikur, le wayana ou le wayampi) sont nés dans la Caraïbe et participent de l’identité socio-ethnique de la région. Les créoles peuvent dès lors jouer un rôle dans l’intercompréhension linguistique entre les Caribéens circulant dans la région pour des besoins d’intégration régionale mais aussi pour bien s’entendre en vue de prendre sa place dans la mondialisation et mieux planifier leur avenir.

L’intercompréhension est un procédé consistant à utiliser des compétences linguistiques et communicationnelles acquises et développées dans sa langue en vue d’analyser et de comprendre des discours produits dans une langue étrangère qu’on ne connaît pas. Le locuteur et l’interlocuteur utilise chacun sa langue pour réagir à un discours produit en langue étrangère et la communication passe entre eux. Ce procédé met beaucoup l’accent sur le côté extralinguistique (Ollivier 2007).

En effet, la question d’intercompréhension des langues dans la Caraïbe a fait l’objet de réflexions dans le cadre de l’Agence universitaire de la francophonie et de la Conférence des recteurs et présidents d’universités de la Caraïbe qui lui ont consacré trois séminaires régionaux : Martinique en décembre 2008, Santo Domingo en mars 2012 et Martinique en décembre 2013.

Govain (2014 et 2018) a posé de manière plus concrète le problème d’intercompréhension des langues dans la Caraïbe et le rôle que les créoles pourraient y jouer. Il se pose les questions suivantes qui nous serviront de ligne directrice dans cette présentation : comment faire des créoles des outils d’intercompréhension entre les Caribéens ? Comment pour y parvenir ? Quelle variété considérer pour planifier et modéliser un dispositif formel devant faciliter cette intercompréhension ? Quels rôles doivent jouer les institutions caribéennes établies ?

Au final, quels sont les intérêts d’une telle entreprise ? Les réponses à ces questions et le développement d’autres arguments nous permettront d’étayer notre argumentaire sur la question.